Rêvolution au pavillon Francia à Venise

A la fois signes, représentations et symboles, les formes spatialisées dans les musées, lieux de mémoire collective contemporaine, révèlent une vision du monde. Pour l’artiste Céleste Boursier Mougenot, Francia à  La Biennale de Venise 2015, 56ème exposition internationale d'art Contemporain, devait être un territoire symboliquement, métaphoriquement et politiquement ouvert. Les trois pins vivants déterrés, mottes et rhizomes apparents ont déambulé parmi les visiteurs comme des individus égarés à travers les frontières matérialisées par les pavillons d’autres pays. Ainsi, l’œuvre ne se cantonne plus aux murs du pavillon, mais elle utilise tous les espaces intermédiaires. Symboliques de liens avec la terre, jardin et allées de passages sont investis dans le parcours d’exposition.

 

Symboliquement, Rêvolutions, arbres connectés et mobiles, aux racines apparentes, dépasse la notion d’environnement artistique habituellement cantonné au pavillon français. Le système dissimulé par une plate-forme mobile sous l’arbre est piloté via un ordinateur. Des capteurs environnementaux fixent sa trajectoire selon une mesure en flux continus des variations de la sève brute des arbres plantés au dehors. Le projet mobilise des chercheurs du CNRS, des botanistes, d’après notamment les travaux de Francis Hallé sur les émotions du végétal. L’œuvre capte et émet des sons, « symphonie électrique » issue d’un « orchestre de huit arbres » qui entourent le pavillon français.

 

L’artiste a délibérément cherché à capter des énergies qui circulent via un métabolisme très sophistiqué du vivant et à attirer notre attention sur l’invisible. Définie tel un principe de transHumUs [1] transmis par la robotique, l’œuvre pose la question de rendre visible le monde de l’arbre, commun à l’humain par sa mobilité et sa sensibilité. Car au-delà de la surprise et l’étonnement produit par un artefact à moitié vivant, se cache son versus à moitié robotisé. Sachant que les arbres sont cultivés dans des bacs brevetés selon un procédé proche de l'hydroponie en agriculture hors-sol. Dans le prolongement des racines mortes au sens des vanités exposées en nombre, Rêvolutions expose singulièrement des rhizomes vivants maintenus en vie par la culture hors sol. [...]

 

Si une image de l’arbre comme guide persiste, grâce à sa taille supérieure, le végétal peut incarner une forme de sagesse, un chemin à suivre. Rêvolutions semble interroger le pouvoir technologique de l’humain au profit de l’écoute des arbres au pluriel, mais elle invite également à un rêve d’évolution commun. Cette image de l’arbre connecté mobile n’est-elle pas au fond celle d’un futur humain qui cherche le sens du vivant ?

 

[1] Lavigne, Brunon et Quinz. Rêvolutions. Céleste Boursier-Mougenot, p.13.

Rêvolution au pavillon Francia à Venise
Retour à l'accueil